La peinture de Maryse Jacq … Une continuité à coeur ouvert


L’atelier perché est un lieu emblématique de Pontrieux. Depuis la Place de la Liberté l’entrée se fait en passant sous le porche menant au jardin de la passerelle.Grimpons ensemble l’escalier de bois,pas à pas, en nous tenant à la rampe. Les lavandières frottaient et battaient le linge,nous levons nos genoux .Après un effort d’ une douzaine de marches pénétrons l’antre de Maryse Jacq. Une belle surprise à deux pas de l’embarcadère.

N’ayons pas peur de nous laisser impressionner par des compositions sauvages minutieusement agencées.Ces peintures interpellent aussi bien par leur texture singulière que par les éléments graphiques qui se jouent des apparences auxquelles nous sommes accoutumées.L’ambiance est
feutrée.L’artiste apprécie la littérature. Ces strophes de « Paroi » tracées par Guillevic dans son recueil regroupant Art poétique (ed Gallimard) et Le Chant nous accompagnent tout du long.

« Quand je suis seul,   
 Je parle
   Ne me demande pas
. Ce que je dis
Peut-être je te le dirai
 Si je savais.
Mais si je le   savais
Je n’aurai plus sans doute
Ce besoin de te parler. »
Des spirales inachevées suggèrent des fossiles , des ovales arrondis ressemblent à nos yeux ou évoquent des regards.Là un peu de sable, ici des racines,ailleurs du papier mêlé à la peinture donnent aux surfaces un relief parfois ourlé,souvent animé de légers mouvements.
Aucun de ces composants,pourtant, n’apparaît disparate.L’agencement ici recrée un paysage sans le magnifier.En nous attardant un peu nous nous imprégnons d’un univers minéral.Des tons ocres nous
amènent à parcourir des chemins caillouteux .En tenant les pierres dans nos mains, celles-ci nous révèlent un peu de l’intérieur de ce monde ,des matériaux sur lesquels il est bâti et dont nous sommes constitués.
En lisant LES ROCS poème extrait de « Terraqué » du même Guillevic nous reconnaîtrons -nous ?
Ils ne le sauront pas les rocs,              Qu’on parle d’eux
Et toujours ils n’auront pour tenir    Que grandeur
Car jamais     Ils n’ont craint la mort.

De la peur      Ils ont fait un hôte.

Et  leur folie    Est clairvoyante

Ils n’ont pas à porter leur face   Comme un supplice
.
Ils n’ont pas à porter de face     Où tout se lit.

La danse est en eux,      La flamme est en eux,        Quand bon leur semble.

.Les nervures des feuilles témoignent de l’automne puis prolongent celui-ci par la juxtaposition de surfaces aux couleurs contrastées.Les teintes foncées observées à l’extérieur retiennent la chute de l’été.Elles sont venues s’abriter dans cette soupente et la main de cette peintre les déploie sur les
parois.L’hiver s’installe progressivement et s’inscrit avec les autres saisons sur les toiles. Des orangés très lumineux ne dessinent aucun soleil mais restituent toute la clarté venue de ciels flamboyants.


« Permets -moi   De te dire ce que je pense                               

Que c’est une femme   Le silence
   

Maryse Jacq nous invite à emprunter les chemins de traverse pour porter un regard neuf sur notre environnement.Des variations de volume,infinitésimales, sculptent l’horizon .Sa peinture est une respiration des plus expressives.Les terrains accidentés,les pentes et les haies délimitant les champs
s’y retrouvent sous forme de suggestions.Même la verdure poussée dans les jointures des murets se laisse devine.Les pluies que nous avons oubliées sont inscrites en trajectoires.Les titres,Racines,Matières sensibles,Grève blanche,Rives n’ont pas besoin d’être affichées tant la lecture de ces parcours est fluide.


« Pas même un mur
Où se heurter ,où vaincre.
Et voilà que te caressent
Comme des mains.
Et ce sont celles
Du mur,de cette paroi »


Cette alchimie à partir du vécu ,des randonnées et des voyages, est splendide. Les formes en zig -zag, font se rencontrer des couleurs chaudes et des couleurs froides. Les contours ne les séparent pas,elles les mettent en valeur ensemble.L’autonomie de chacun des composants étant préservé, ils
rayonnent dans une même dynamique.Cette plénitude s’exprime d’autant mieux que l’espace libéré autour du mur de support sera vide.

« Paroi qui n’est peut-être faite que de l’absence.
Car tout est là » 

Les formes parlent aux couleurs mais ce qu’elles racontent reste un mystère.Les paroles des lavandières se sont envolées ;leurs gestes étaient répétitifs.On reviendra autant de fois qu’on voudra
faire face à la beauté de ces fragments de vie.

« Ce qui sépare                      
Le jour de la nuit,                   
                                                      
A peine une membrane

Pourtant la paroi ,la tienne Est plus consistante,plus épaisse, Bien plus abrupte

Jusqu’à n’être parfois qu’un souffle, un voile


C’est peut-être elle qui parle
Pour l’autre côté
Ou pour celui-ci
Au nom de l’un
Au nom de l’autre
Ou de tous les deux


Prés parcourus,
Champs côtoyés,
Bois traversés,
Sentiers suivis,
Terre piétinée.

Frédoune Le cirque des mots

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