Peter Handke

Grand, ça veut dire : il donne sa place à l’autre. Et il pleut aujourd’hui au Petit-Clamart, beaucoup où j’écris ces lignes au lieu d’une préface. (Raymond Cousse et Jean-Luc Bitton, Emmanuel Bove. La vie comme une ombre, éd. Le Castor Astral, 1994)

La légende accompagnatrice présente brièvement le parcours artistique du sculpteur. « Il connait bien le granit », est-il indiqué. Autant que l’auteur autrichien Peter Handke connait et reconnait les arbres de la forêt à leurs feuilles, les champignons à leur texture et aux nuances de leurs couleurs. Ni l’enchevêtrement des végétaux ni les griffures des ronces dans les taillis ne le dissuadent de parcourir les collines boisées à la recherche de son ami d’enfance, disparu. Poursuivons la lecture de la légende : « Le cycle de l’eau ressemble à celui de la vie humaine déversée par les rivières dans la mer, elle s’évapore avec le soleil pour revenir sous forme de pluie. » L’écrivain se remémore « la rumeur des frênes » (p. 17) et tout ce qui conférait à sa cueillette la singularité d’« un trésor ». Celui qu’il nomme « mon fou de champignon » (p. 15) finit par réapparaitre, transformé, confiant. « Il devenait partie prenante » (p. 73) ; « les champignons… étaient l’ultime aventure et il en était le prophète ». L’auteur conclut en dernière page « la part de conte, quand tout est en jeu est ce qu’il y de plus réel ».

Comment « cette histoire, venue du monde des champignons » a-t-elle « pris sa place, en dépit de tous les bavardages venimeux du quotidien » ? Pourquoi cet essai sur le fou de champignon sous-titré « une histoire en soi » (Gallimard) se lit aussi comme une histoire en nous ? « les formes surprenantes des deux faces de La Colline et la Crique évoquent la complémentarité étroite entre la terre et la mer ». À marée haute les lignes s’arrondissent, la crique emplie de ses flots garde l’empreinte des vaguelettes ; à marée basse on aperçoit la colline, figurée par la rondeur d’une voûte, ou bien d’un arc-en-ciel ? Les filets d’eau s’écoulent, telle une bonne pluie et s’attardent en flaques le long des quatre piliers. Ces rochers maintenant à découvert ressemblent à un mur des Lamentations par les lignes, traces en écho à celles écrites, représentées sur la couverture du livre paru en allemand chez Suhrkamp en 2013.

Du vide ,espace de distanciation, dans Essai sur le Lieu Tranquille de Peter Handke au vide, espace de différenciation, dans Essai sur le fou de champignons. Une histoire en soi.

 

         Ces deux essais de Peter Handke paraissent de chaque côté du Rhin, respectivement en 2012 et 2014 pour Essai sur le Lieu Tranquille/Versuch über den stillen Ort, traduction d’Olivier Le Lay,en 2013 et 2017 pour Essai sur le fou de champignons.Une histoire en soi /Versuch den über Pilznarren.Eine Geschichte für sich traduction de Pierre Deshusses.

Trois premiers essais de l’auteur autrichien, slovène par sa famille maternelle ,avaient été publiés entre 1991 et 1994  dans cette collection Arcades de Gallimard après leur publication entre 1989 et 1991 chez Suhrkamp Verlag:

 Essai sur le juke-boxe/Versuch über die Jukeboxe

              Essai dur la fatigue/Versuche über die Müdigkeit

                     Essai sur la journée réussi/Versuch über den geglückten Tag.

Pour celui-ci l’auteur,dans l’édition Folio  a délicatement inséré à l’intérieur du livre un second titre:

                                                     Un songe de jour d’hiver/Ein Wintertagtraum

 

C’est parfaitement injuste

« Cette phrase n’est pas de moi » mais bien de Peter Handke chère Madame la Première Dame de France,sous la protection de laquelle je me place ,pour écrire au fil de la plume ; malgré les circonstances.