La beauté des oeuvres d’art constitue elle-même une médiation.Mais pour donner le goût à vos ami.e.s ou à vos jeunes de visiter l’atelier de Robert Croguennec proposez leur de choisir dans un recueil un poème à associer au tableau de leur choix.Pourquoi pas?Amusez-vous à donner des titres pour les inviter à mieux regarder. En voici quelques-uns qui me sont venus à l’esprit:Le ciel et la mer passent une nuit blanche,Auprès de ces arbres,nous nous étions assis heureux,Un oasis breton,Une pluie de feuilles.
Ici les troncs s’élancent ensemble, notre regard s’élève vers les cimes. Celles-ci pourtant ne sont pas à voir, le peintre a tracé précisément le cadre et choisi d’attirer notre regard en bas.La lumière jaillit au pied de cette futaie en un bouquet de couleurs et de fleurs printanières.
Les lignes courbes des arbres forment un ovale en haut pendant qu’ au sol un rond de lumière ensoleillée est projeté. Les arches donnent au lieu un caractère intimiste.
La vigueur des herbes côtoie les tons parmes de petites formes habilement ciselées, celles de pétales parsemées sur les tiges. On se poserait bien là, en bordure de chemin dans cette clairière toute chaude et notre indécision n’a pas d’importance.
Dans PREMIER AMOUR(Editions de Minuit) de Samuel Beckett un jeune homme réfléchit à l’ emplacement du banc sur lequel il est assis:”C’est sans doute ces arbres qui avaient suggéré,un jour qu’ils ondoyaient de toutes leurs feuilles ,l’idée d’un banc à quelqu’un.” La peinture des paysages par Robert Croguennec est elle aussi suggestive.
Là les feuillus sauvages, se jouent de l’ombre et de la lumière, se rejoignent, la verte chlorophylle resplendit. Quelques touches d’un vert plus foncé se penchent vers l’intérieur d’un bois. Nous le devinons sans que son ombre ne nous effraye.
Parfois les plages de sable répondent par leur silence à la plénitude multicolore des ciels. Et quand les voiles et les nuages se gonflent ensemble ils participent d’un souffle commun, ils témoignent du même vent .
Les arbres, les forêts ,les chemins ,nous invitent à un dedans du monde , un intérieur de verdure que notre regard pénètre,le lointain est ailleurs.Dehors le ciel et la mer sont souvent peints inséparables l’un de l’autre.Sur cette image nous sommes en arrêt devant les chalutiers.Ils sont si fatigués qu’ils nous en imposent et leurs coques semblent encore flotter sur le sable. Ludovic Janvier dans La mer à boire (Gallimard )notait
on quittera toujours la mer à reculons /c’est toujours le même regret /c’est la même lenteur debout /qui vous déchire d’avec le pays /chaque adieu vous retourne infiniment/chaque pas qu’on pose hors de l’eau/ veut creuser jusqu’à l’eau encore
La douceur du peintre Robert Croguennec est le pendant de l’univers assez rude des marins à bord des bateaux.Il peint l‘attachement à la terre; le retour à la maison,il l’embellit.Son regard nous fait nous attarder dans des chemins de traverse et nous détend.Il nous répare de la confrontation aux éléments.
La luminosité nous rend cette nature familière chacun.e se sent dans ces visions du Trégor tellement chez soi qu’au lieu d’être fasciné ,prêt à y disparaître ,on choisit de refaire le chemin.
Une fois imprégné de la flamboyance des ciels,de la luxuriance de certaines plantes nous ne ferons plus la ballade avec le même regard.
On croyait être passé a côte de tel plage, de tel rocher, de tel champs mais l’artiste fait dire à ces lieux qu’ils seront encore heureux de nous retrouver.Le peintre nous a ramené une belle empreinte visuelle de ces paysages.
Il s’est saisit des couleurs de la réalité sans jamais s’ emparer de celle-ci.
Il signe avec la discrétion d’un faune en glissant son nom entre deux touffes d’herbes sauvages.
Sur la mer grise la vague prend la forme d’un rouleau blanc ,le ciel a beau gronder, tout s’immobilise.Cette peinture n’est-elle pas le reflet d’une réalité insaisissable?
A Port-Blanc son atelier jouxte une enseigne en forme de bouée le long du front de mer au 21 rue Anatole Le Braz .Dans ce havre de paix,le regard de Brigitte , l’âme de la maison,vous sourit et vous accueille tout l’été en fin d’après-midi ou sur rendez-vous.
Frédérique Cohignac dîtes Frédoune fondatrice du Cirque des mots